Pseudo-Aristote, Traité des Merveilles Entendues, 84 :
« Dans la mer extérieure aux Colonnes d’Hercule, on dit que les Carthaginois avaient découvert une île déserte, dotée d’une forêt aux multiples essences et de fleuves navigables, et admirable par le reste de ses productions. Elle était distante d’un grand nombre de jours de navigation. Comme les Carthaginois y venaient souvent à cause de ses heureuses qualités, et que quelques-uns même s’y établissaient, les gouvernants de Carthage déclarèrent qu’ils puniraient de mort ceux qui navigueraient vers l’île… » (_Trad. R. Rebuffat).
…La tradition de l’Atlantide telle que Platon nous l’a rapportée dans le Timée et le Critias…Les dialogues platoniciens indiquent que Solon (qui vivait à la fin du VIIe siècle et au début du siècle suivant) connaissait déjà les récits sur l’Atlantide qu’il avait recueillis chez les prêtres égyptiens de Saïs ; pour ces derniers, l’Atlantide était une île devant les Colonnes d’Héraclès (Gibraltar), plus grande que l’Afrique et l’Asie réunies, et qui un beau jour, à la suite d’un séisme, avait disparu sous les flots pour toujours.
Le mythe de l’Atlantide a été récupéré par Athènes, mais il est probablement né à la suite des premières explorations phéniciennes au-delà de Gibraltar. La partie occidentale de cette immense île s’appelait « gradique » (Critias, 114 b) et cette référence à Gadès, le plus ancien établissement phénicien dans l’Ouest selon la tradition, est éclairante.
Et à qui, sinon les Phéniciens, pourrait mieux convenir cette définition des habitants de l’Atlantide : « Maîtres de nombreuses autres îles qu’il y avait dans la mer et de plus, étendant leur domination dans les pays mêmes qui sont en deçà des Colonnes d’Héraclès, jusqu’à l’Egypte et à la Tyrénie » ? (Critias, 114 c)…
…(Par ailleurs)… La tradition qui, depuis le Mundus subterraneus du jésuite allemand Athanase Kircher (Amsterdam 1664-1665) et l’Essai sur les merveilles de Voltaire (1769) assimile l’Atlantide à la Madère phénicienne…
…Diodore, V, 19-20 ;
« Car du côté de l’Afrique se trouve en peine mer une île remarquable par sa superficie et qui, est éloignée de l’Afrique d’un bon nombre de jours de navigation, vers la direction du Couchant. C’est une contrée fertile, montagneuse certes pour l’essentiel, mais comportant pour bonne part une plaine d’une remarquable beauté. Car parcourue de fleuves navigables, elle en est arrosée, et elle possède plusieurs paradis plantés d’arbres de toutes sorts, ainsi que de très nombreux jardins parcourus d’eaux douces. Il s’y trouve des villas somptueusement construites et, dans les jardins, sont édifiées des pergolas ornées d’une parure florale, où les habitants passent leur temps pendant la saison d’été, la cornée fournissant libéralement ce qui est nécessaire à leur plaisir et à leur bien-être. La montagne possède des bois épais et étendus, et des arbres fruitiers de toutes sortes, et elle offre pour la résidence en montagne des vallons et de nombreuses sources. Dans l’ensemble, cette île est arrosée d’eaux courantes et douces, grâce auxquelles elle procure un plaisir délicat à ceux qui y vivent, et profite aussi à leur santé et à leur vigueur. La chasse y est libérale en toutes sortes d’animaux et de bêtes sauvages, et leur abondance dans les festins ne laisse rien à désirer de ce qui est nécessaire au bien-être et à la magnificence. Et il y a abondance de poissons dans la mer qui la baigne, puisqu’il est de nature de l’Océan de regorger partout de toutes sortes de poissons. Dans l’ensemble, cette île est dotée d’une atmosphère parfaitement tempérée, si bien qu’elle procure la plus grande partie de l’année quantité de fruits des arbres et d’autres productions.
Aussi paraît-elle, par l’excès de son bonheur, être la résidence de divinités peut-être, et non de simples mortels (…).
Or donc les Phéniciens, explorant pour des raisons ci-dessus mentionnées les rivages situés au-delà des colonnes d’Hercule et longeant la côte africaine, furent entraînés par des vents violents loin au large dans l’océan, Chassés par la tempête pendant plusieurs jours, ils abordèrent à l’île ci-dessus mentionnée et, ayant apprécié sa bienheureuse nature, ils la firent connaître largement. C’est pourquoi les Etrusques qui disposaient d’une forte puissance navale voulurent envoyer dans cette île une colonie. Mais les Carthaginois les en empêchèrent, à la fois parce qu’ils redoutaient qu’attirés par les qualités de l’île, beaucoup des habitants de Carthage n’y émigrassent, et parce qu’ils se préparaient un refuge contre les coups du sort, pour le cas où une catastrophe complète atteindrait Carthage : car, disposant eux-mêmes d’une forte puissance navale, ils pourraient emmener tous leurs concitoyens dans l’île dont leurs vainqueurs ignoraient l’existence. ». (Trad. R. Rebuffat). |